En Vendée, Philippe de Villiers aura son «collège novateur» avec pensionnat
Le président du Mouvement pour la France, Philippe de Villiers, ardent détracteur du collège unique, a lui-même défini le programme de ce futur établissement public. Même s’il n’est plus question d’uniforme ou de drapeau tricolore dans la cour comme dans son programme de 2007, le projet semble un retour aux «bonnes vieilles méthodes» : «Nous allons passer d’une simple logique d’instruction à une logique éducative, explique Philippe de Villiers dans le très officiel Journal de Vendée. Ce modèle éducatif sera fondé sur le tutorat et sur l’internat. Il passe par une culture générale forte, mais aussi par un engagement social des élèves.»
Jean-Claude Rouanet parle de «former l’honnête homme du XXIe siècle» en mettant l’accent sur «les humanités à la fois classiques et élargies à l’art, aux langues vivantes, aux pratiques culturelles». L’expérimentation n’empêchera pas l’établissement de suivre les programmes nationaux et les objectifs du socle commun de connaissances et de compétences.
Selon Jean-Claude Rouanet, l’internat, utilisé comme «ressource éducative», accueillera environ un tiers des quelque 400 à 600 élèves. La salle des profs disparaîtra au profit de «locaux personnalisés et de bureaux identifiables» pour permettre aux professeurs d’exercer un tutorat permanent et de passer de «la notion d'enseignement à la notion de présence». Sur le modèle des classes sport-études, une section «humanités classiques, art, culture», avec option grec et latin, sera proposée aux élèves. Enfin l'«engagement social personnel» et «l'apprentissage de la générosité» seront inscrits dans le règlement intérieur, à raison d’«une demi-journée par semaine de présence caritative ou humanitaire, par exemple la visite de personnes âgées ou handicapées».
«L'idée d'un seul homme»
Professeur agrégé de lettres classiques, Jean-Claude Rouanet, voit d’un œil favorable le renforcement des apprentissages en lettres : «Même si ça donne l’impression d’un retour en arrière, enseigner le latin dès la classe de sixième à titre expérimental pourrait permettre à l’élève d’acquérir de bonnes bases grammaticales.» Bien que l'ouverture du collège soit prévue pour 2012, aucun budget, ni pour sa construction (à la charge du Conseil général), ni pour son fonctionnement, n'a encore été prévu. Le coût d’un tel établissement sera sans doute renchéri par les charges de l’internat (locaux, surveillants, maîtres d’internat, etc.). Rappelons que le doublement des places en internat est l'un des grands projets du gouvernement.
Effet d'annonce excepté, ce futur collège n'est qu'un des dizaines de projets innovants existant en France dans le cadre de l’article 34 de la loi de programmation de 2005 qui ouvre un droit d’expérimentation. Après l'apparition des premiers lycées autogérés ou expérimentaux du début des années 1980, la création par Jack Lang en 2000 d’un Conseil national de l'innovation pour la réussite scolaire (supprimé par Luc Ferry deux ans plus tard) avait donné l’impulsion à une quinzaine d’expériences innovantes.
Mais généralement ces projets sont nés de la volonté d’une équipe pédagogique pas de l’exécutif d’une collectivité locale. «C’est l’idée d’un seul homme qui va s’appliquer, regrette Eric Jeanneau, du Sgen CFDT Vendée. Un retour aux humanités pourquoi pas ? Mais à part un principe politique qu’est-ce qui a déterminé ce choix là plutôt qu’un autre ?» Compétent en matière de construction et de rénovation des collèges, le conseil général n’a d’ailleurs théoriquement pas son mot à dire dans les projets éducatifs.
«Dans la réalité, du fait de la décentralisation, les collectivités territoriales vont de plus en plus s’immiscer dans le pédagogique», précise néanmoins Eric de Saint Denis, délégué général de la Fespi, une fédération qui réunit une douzaine d’établissements publics innovants. De son côté, Jean-Claude Rouanet, assure qu’«il n’y a pas de confusion : le projet pédagogique est de la responsabilité de l’académie et ma lettre de mission n’indique que des points de départ à explorer».
Un ambition nationale
Du fait d’une «explosion démographique» dans le canton, la construction d’un second collège public était attendue. Mais l’établissement entend également accueillir des enfants issus de toute la France. «Il faudra qu’il soit assez attractif pour attirer des jeunes dont les parents veulent qu’ils soient scolarisés en Vendée dans ce cadre novateur», précise Jean-Claude Rouanet. Une ambition qui ne manque pas d’inquiéter : «Quels élèves sont visés ? Quelle sélection y aura-t-il derrière ?», demande Eric Jeanneau.
Alors que les établissements innovants peinent aujourd’hui à obtenir des moyens et que certains sont même menacés de fermeture, Eric de Saint Denis voit dans cette création d’un collège «un acte politique très fort». «Xavier Darcos a du mal à faire évoluer le système au niveau national, il tente donc de multiplier les projets au niveau local», estime-t-il. Dans un département où l'enseignement privé reste majoritaire (il regroupe 51% des élèves du primaire et 57% des collégiens et lycéens), Albert Beau, secrétaire départemental de la FSU Vendée, évoque lui une «tentative des milieux droitiers, déstabilisés par la montée de l'école publique en Vendée, d'investir et de remodeler ce service public».
Le blog de l’association conservatrice SOS Education salue d’ailleurs avec un brin d’humour «un projet-pilote» qui «va dans le bon sens, à tel point qu’on peut se demander si, tout compte fait, ce n’est pas SOS Education qui dicte sa politique à Xavier Darcos».
Par Louise Fessard
Mediapart.fr