Ségolène Royal, présidente de la République socialiste de Poitou-Charentes

Publié le par desirsdavenirparis5

Faire du Poitou Charentes le laboratoire du Ségolénisme en marche. Jeudi soir sur France2, l’ex-candidate a fini par exposer sa stratégie. Réélue avec 60% des voix dans une région qui ne dispose pas d’une longue tradition d’ancrage à gauche, Ségolène Royal compte capitaliser sur son bilan picto-charentais. Se poser comme présidente d’une République socialiste du Poitou-Charentes lui offre une tribune alors qu’elle ne dispose plus, au sein de son parti, d’un réseau structuré et opérationnel. Déclinaison du slogan de « la politique par la preuve », cette approche présente aussi l’intérêt de la situer loin des affaires partisanes parisiennes. Et lui permet de valoriser sa capacité à laisser dans son sillage des marqueurs (le pass-contraception, la conversion d’Heuliez à la voiture électrique ou la coalition arc-en-ciel du premier tour) qui rendent son bilan plus lisible que d’autres. Tout cela la place en position de laisser en suspens sa candidature au primaires – ceux qui la connaissent assurent qu’ils ne tiennent pas pour acquis qu’elle se lancera en 2012 - tout en faisant négligemment remarquer que la question de sa « légitimité » ne se pose pas. Ségolène Royal considère que son offre politique a été validée : en Poitou-Charentes, les autres partenaires de gauche ont fait moins bien que la moyenne nationale et que la présidente sortante à réalisé de bons scores auprès de l’électorat populaire.
 
Au pays du photovoltaïque, des circuits de distribution courts pour les producteurs de lait et des ouvriers transformant en SCOP leur entreprise en difficultés, Ségolène Royal soigne a crédibilité – elle sait que c’est son point faible dans l’opinion. A travers son action à la tête de sa région, elle cherche à brosser d’elle un portrait en décalage avec Nicolas Sarkozy, dont les actes contredisent les paroles. Et, accessoirement, avec Martine Aubry qui doit négocier des compromis avec le « vieux parti » et dont le comportement est condamné à être scruté à l’aune de ses ambitions présidentielles. La « présidente Royal » ne veut pas entendre parler d’un duel avec Martine Aubry. Elle préfère appuyer là ou çà fait mal en renforçant la dichotomie entre les deux PS. Celui qui réussit au plan local ou régional et qu’elle se propose d’incarner. Et l’autre, qui échoue au niveau national, et qu’elle laisse à ses petits camarades le soin de faire exister avec son cortège de paroles verbales et de « guerre des chefs »… A cet égard, Daniel Cohn  Bendit se sera révélé un excellent sparring partner sur le plateau d’A Vous de Jugez. Volontiers condescendant face à la « camarade Ségolène », il a contribué à la situer en marge de la politique traditionnelle. Et donc à la mettre en valeur. De plus, sa position sur la taxe carbone était plus « carrée » - plus « facile », diront ses détracteurs - que celle de DCB.
 
Le retard à combler est important - doux euphémisme - mais Ségolène veut y croire. Son positionnement ne manque pas d’habileté. Quitte à pousser le bouchon un peu loin en appelant les médias « à ne pas monter en épingle des incidents qui n’ont aucune portée politique » 48 heures après avoir sciemment boycotté la photo de famille à Solferino pour attirer l’attention sur elle. Il lui reste à faire entendre sa différence sur le plan des idées. Car, passées les régionales, la répétition du bilan en Poitou-Charentes va finir par devenir une scie.
En l’état actuel des choses, on note une certaine similitude entre le discours de Ségolène et celui de Martine (petit 1 : protéger les Français, petit 2 : penser un « nouveau modèle de développement économique, social et écologique  »). Au-delà de sa pratique régionale, Mme Royal va devoir renouveler sa boite à idées (sur les retraites, la fiscalité, notamment) face à un parti socialiste qui va lancer la machine des conventions qui n’avait pas si mal fonctionné entre 1995 et 1997. Enfin, on peut se demander jusqu’ou elle pourra faire l’impasse sur le PS même si l’objectif, avec des primaires ouvertes, sera de convaincre l’opinion de gauche, pas les grands élus et les chefs des courants. « Je sais qu’elle tient en horreur les questions d’appareil mais on aimerait tout de même la voir plus souvent dans les grands rassemblements du parti. C’est aussi un moyen de peser sur les idées » soupire l’un de ses partisans, membre du Conseil national.

Jean-Michel Normand
26 mars 2010

 (Blog du MONDE)

Publié dans Ségolène Royal

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