Le procès Chirac, du report ou du cochon ?

Publié le par desirsdavenirparis5

En fait de surprise du chef, la question prioritaire de constitutionnalité (ou "QPC") servie toute chaude au premier et unique jour du procès Chriac ne cachait qu'un vieux ragoût mijoté à petit feu par les avocats de l'ancien président et par ceux - souvent les mêmes - qui rêvent d'enterrer les affaires politiques et financières.
 
Depuis des mois, ces éminents juristes imaginaient avoir trouvé, grâce à ce "machin", la martingale idéale. Le Parlement n'arrive pas à voter d'amnistie ni à modifier les délais de prescription ? Les juges s'obstinent à vouloir traîner Chirac en correctionnelle et refusent de changer leur jurisprudence ? Qu'à cela ne tienne ! Le Conseil constitutionnel le fera à leur place ...

Dès le 1er septembre 2010, Me Jean-Yves Leborgne, celui-là même qui a dégainé cette subtilité juridique au procès Chirac, avait abattu ses cartes devant la commission des Lois de l'Assemblée nationale. Il avait demandé que la question du "point de départ de la prescription" - cruciale, dans le dossier des emplois fictifs de la Mairie de Paris - soit tranchée directement par le Conseil constitutionnel. Ainsi le justiciable ne serait plus livré "à l'aléa des interprétations" de la Cour de cass'.
 
Mais ladite Cour a fait, jusqu'à présent, de la résistance. Cette haute juridiction a établi des règles de prescription particulières pour éviter que les délits soigneusement cachés, comme les infractions financières, soient impossibles à poursuivre. Et elle ne voudrait pas qu'elles soient jetées à la poubelle par le Conseil constitutionnel.

Dans les semaines qui viennent, la Cour de cassation dira si elle transmet le dossier au Conseil ou si elle rejette la requête des avocats. Mais, dans ce cas, elle peut s'attendre à recevoir une volée de bois vert.

Déjà, en juin 2010, la Cour avait refusé de transmettre au Conseil une autre "question prioritaire" susceptible de remettre en cause sa propre jurisprudence. Aussitôt, Jean Veil, un avocat d'affaires assurant la défense de Chirac, avait cosigné dans "Le Monde" un texte au vitriol qui accusait les juges d'"entraver la réforme". Il demandait même au gouvernement de "modifier à nouveau la Constitution" pour "mettre un terme à l'obstruction" des hauts magistrats.
 
S'ils remportent cette nouvelle manche, les avocats de Chirac savent qu'ils n'auront que de bonnes surprises à attendre du Conseil constitutionnel.  Leur client fait lui-même partie de cette auguste institution, dont il a nommé plusieurs membres. Parmi eux, le président du Conseil, son grand ami Jean-Louis Debré. Un président naturellement impartial qui déclarait, le 1er septembre 2010, "ne pas comprendre" le procès "inutile pour lui, pour la France", intenté à son pote Chirac. Sans compter que son frère, François Debré, est accusé lui aussi d'avoir bénéficié des emplois fictifs de la Mairie de Paris.
 
Pour mieux faire passer le message, le patron du Conseil constitutionnel se faisait encore photographier dans les rues de Paris, à la veille de la première audience, en compagnie du plus célèbre accusé de France. En toute indépendance, bien sûr...
H.L. et D.S.

Le Canard Enchaîné : "Le procès Chirac, du report ou du cochon ?" par H.L. et D.S.

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