Le pasteur qui ne croit pas à l’existence de Dieu

PORTRAIT - Klaas Hendrikse nie l’existence de Dieu. Pour autant, cela n’empêche pas ce pasteur réformé de croire à quelque chose. Portrait de l'auteur hollandais de Croire en un Dieu qui n’existe pas (1), livre-scandale dont la version française vient de sortir.


Il faut certes se méfier des apparences. Klaas Hendrikse n’est pas un athée au sens où on l’entend généralement. Comme il le dit lui-même : « Je ne crois pas en l’existence de Dieu. En revanche, je crois en Dieu. » Il faut reconnaître qu'avec ce pasteur hollandais, on est à mille lieux de la brutalité de l’athéisme militant de Richard Dawkins ou Michel Onfray. Hendrikse les conteste d’ailleurs, pour leur « fondamentalisme » athée. Comme il félicite toute personne heureuse dans sa foi, fût-elle religieuse ou non.

Marié à une femme pasteur, père de deux enfants, cet homme chaleureux né en 1947 insiste beaucoup sur l’importance des relations interpersonnelles et le respect dû aux croyances de chacun. Plein d’humour, extrêmement cultivé, il donne à son enseignement biblique un aspect proprement humaniste tout en s'intéressant à l’innovation liturgique et aux chants contemporains. Sa lecture de la Bible est évidemment très hétérodoxe, mais elle fait ressortir une idée centrale que tout le monde peut partager : les rédacteurs de la Bible combattent surtout toutes les formes de l’idolâtrie.
MÉCRÉANT

Dans son Église protestante hollandaise (réformée) de la petite ville de Middelburg, ses prédications attirent des centaines de personnes qui viennent de loin pour écouter ses paroles de « mécréant ». Ce sont d'ailleurs ces fidèles qui l'ont sauvé d'une mise à la porte en 2007, à la publication de son livre en Hollande, grâce à une pétition. Car la hiérarchie et maints pasteurs de son Église n'ont pas vu d'un bonne oeil son manifeste Croire en un Dieu qui n’existe pas. L’auteur a simplement dû leur promettre qu’il partirait vraiment à la retraite en 2012, comme c’est prévu…

Klaas Hendrikse n’est pas le seul dans son Eglise à mettre en cause l’existence réelle de Dieu. En 2006, une enquête du Service radiophonique interconfessionnel néerlandais montrait l'ampleur de la crise que traverse le protestantisme de ce pays : un pasteur sur six n’est pas ou n’est plus convaincu de l’existence de Dieu. Un sondage qui n'a pas amené de réaction. « Les pasteurs n’osent pas parler car ils ont peur d’être renvoyés. Je ne les blâme pas. Moi, j’ai la chance d’être soutenu par ma communauté », témoigne Klaas Hendrikse auprès de l'agence de presse suisse Protestinfo <http://www.protestinfo.ch/201105095625/klaas-hendrikse-pasteur-athee> . Et par le public: son livre s'est vendu à 35 000 exemplaires, un très grand succès.

DIEU, UNE PRÉSENCE

Quelle est donc la vision d'un pasteur qui confesse l’inexistence du Dieu chrétien ? L’idée même d’un Dieu qui existe quelque part est une « idée païenne », explique-t-il. Il ne croit ni à un Père créateur, ni à la toute puissance d’un Dieu, ni au péché, ni à Jésus en tant que fils de Dieu, ni (évidemment) à la Résurrection au sens littéral, ni au monothéisme en général, trop prétentieux à son goût. Il ne prie pas, ne récite pas le credo puisqu’il n’y croit pas, et prononce seulement le Notre Père par respect des autres.
Pour lui, Dieu est incapable de nous parler. S'il ne peut  intervenir physiquement dans nos existences, il peut  être « comme une présence » ou « comme l’amour ». Car Dieu n’aurait aucune existence indépendante de l’expérience humaine. Klaas Hendrikse contredit ainsi, d’une façon spectaculaire, le contenu de la foi chrétienne telle qu’elle est formulée par la plupart des Églises, dont l’Église protestante hollandaise.


Hendrikse respecte les croyants mais il n’a jamais eu la foi et ne cesse de le répéter. Justement, il voudrait que les théologiens arrêtent de tourner au pot au sujet de Dieu : on croit à l’existence de Dieu ou non. Mais on ne peut pas faire les deux à la fois. Dans son livre, il ironise à juste titre sur les théologiens pour qui « l’existence de Dieu n’est ni assurée, ni niée, mais noyée dans le brouillard ». S'étant toujours déclaré athée, Hendrikse avoue que son message, par définition, n’est pas chrétien.

Pourtant, en France, c'est la maison d'édition protestante suisse « Labor et Fides » qui le publie. Le livre est d'ailleurs promu par l’hebdomadaire protestant Réforme ainsi que par l’Institut protestant de théologie à Paris. Le 10 mai, devant un amphithéâtre de cette faculté presque plein et visiblement captivé, Raphaël Picon, le doyen, a précisé que Hendrikse fait partie de la « tradition libérale progressiste de la maison » après que le livre a été présenté comme « un catéchisme pour adultes ». Il est certain que Hendrikse pose de bonnes questions. Quant aux réponses… Certains chrétiens pasteurs libéraux, dont Raphaël Picon, semblent y adhérer en grande partie. Ce soir-là, un pasteur a suggéré que Hendrikse est en réalité un « chrétien qui s’ignore ». Le principal intéressé a simplement regardé l’assemblée, perplexe, face à cette réflexion.

En ouvrant grandes les portes à la pensée de ce pasteur athée, le protestantisme libéral français veut étendre, voire dépasser, les limites de la théologie chrétienne. Mais à force de mettre en cause le noyau dur de la foi, n’est-il pas en train de balancer le bébé avec l’eau du bain ? Klaas Hendrikse, lui, veut faire table rase. Il veut qu’on sorte de nos Églises et qu’on sorte du christianisme, pour imaginer d’autres formes de croire. Ce qui a le mérite de la clarté.

(1) Labor et Fides, 24 euros, 234 pages
17 mai 2011
  Par Henrik Lindell

 
 
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