La polémique Sarrazin a fait avancer le débat sur l'immigration
Le 30 août 2010 était publié un texte qui allait devenir l'ouvrage non-littéraire le plus vendu de ces dix dernières années [en Allemagne] : "Deutschland schafft sich ab" [L'Allemagne court à sa perte, août 2010, DVA, non traduit], de Thilo Sarrazin. Avant même sa parution, 25 000 exemplaires de cet essai [un pamphlet anti-musulman] de 400 pages étaient déjà réservés et pré-payés ; selon les estimations, le cachet de l'auteur serait de l'ordre du million d'euros - pour un tirage qui devrait à l'heure qu'il est tourner autour du million d'exemplaires, même si DVA, l'éditeur allemand, garde pour lui le chiffre exact.
Ce qui a différencié l'ouvrage du membre du directoire de la Bundesbank [poste qu'il a quitté le 1er octobre 2010] de toutes les autres contributions au débat allemand sur l'immigration était le soutien médiatique dont il a bénéficié. Pour faire court : Bild et le Spiegel en ont publié des passages avant la parution, et aucun talk-show n'a fait l'impasse sur le sujet. Tous les médias ont été ou se sont sentis obligés de prendre part à la polémique - avec plus ou moins de passion.
Si l'on tente une analyse, après douze mois de débat autour de l'affaire Sarrazin, on voit apparaître une réaction en deux phases : au départ, l'excitation suscitée par ce livre correspondait à une adhésion plus ou moins forte du public. Après tout, il fallait bien que quelqu'un le dise ! N'est-il pas dans le vrai ? N'est-ce pas la vérité, ce qu'il écrit ? Mais dès que les premiers lecteurs (notamment des journalistes du Frankfurter Allgemeine Zeitung, du Süddeutsche Zeitung ou du Tageszeitung) sont enfin venus à bout de sa lecture - ce qui est un exploit en soi, "Deutschland schafft sich ab" se lisant à peu près aussi bien que le bottin de Pékin - le vent a tourné : après démêlage, les thèses de Thilo Sarrazin se sont révélées bancales, fondées sur des informations pseudo-scientifiques, louches et incohérentes. Tout ce qui en ressortait était que, de toute façon, il n'aimait pas les Turcs et les Arabes.
C'est à ce moment que s'est ouverte la deuxième phase du débat : on a commencé à contester ce texte sur le fond ......
31.08.2011 | Jan Feddersen | Die Tageszeitung