Comment prévenir la délinquance sexuelle ?
UN ARTICLE DE JEAN CANET
Le journal Le Quotidien du Médecin (
5/10/2009), à la suite du drame récent
survenu dans l’Essonne, pose à nouveau
la question : Comment éviter la récidive
de crimes sexuels ?
Une série de réactions au sommet de
l’État ont suivi l’arrestation du meurtrier
présumé. La Ministre de la Justice,
Madame Alliot-Marie, annonçait sa
volonté de « renforcer le dispositif de
lutte contre la récidive et de prise en
charge des criminels sexuels » et pour
cela : « la castration (chimique) doit
pouvoir s’appliquer pendant
l’incarcération, mais aussi après. Il faut
que la personne, qui doit être volontaire,
n’ait pas ensuite la possibilité d’y
renoncer, sauf à à retourner en prison. »
Le président de la République a reçu
la famille de la victime à l’Elysée et
exige des mesures renforçant la
surveillance des criminels jugés
dangereux à leur sortie de prison et il
revient sur un projet qui avait été
présenté en Novembre 2008 par son
ex- Garde des Sceaux, Rachida Dati,
texte qui à sa demande de Nicolas
Sarkozy sera examiné « en priorité » à
la fin du mois.
Le Ministre actuel de l’Intérieur (Brice
Hortefeux) a estimé publiquement que
ce drame « aurait pu être évité » et qu’il
est parfaitement inacceptable que le
criminel sexuel ait été remis en liberté.
C’est dans ces conditions qu’il a, hélas,
récidivé » mettant, ainsi, en cause les
juges qui ont strictement appliqué les
lois.
Face à cette situation, le Quotidien du
Médecin a interrogé un spécialiste
médical ce des questions, le Dr Pierre
Lamothe, psychiatre au SMPR (Service
Médico-Psychiatrique Régional) de Lyon
(transféré à Corbas), pour qui, le
problème des récidivistes ne se
règle pas par la stigmatisation ; et
« il faut d’abord tout faire pour éviter que
les pervers ne passent à l’acte ». Selon
lui, le ministre de l’Intérieur fait preuve
« d’ignorance crasse... Cette surenchère
médiatique est la preuve de l’inculture de
ces gens qui sont soumis à leur
imaginaire. », tel est le jugement sévère
du psychiatre Pierre Lamothe. Et il
montre en quoi ces violeurs sont
d’abord des malades. « Nous sommes
dans une tolérance extraordinaire à
l’égard des violences dans le cadre de
relations préexistantes entre l’agresseur et
l’agressé(e). Je parle du mari qui agresse
sa femme ou du type qui viole la fille qu’il
a rencontrée dans une boîte deux heures
avant, triste bavure dans le processus de
séduction. Mais cela concerne pourtant
72 % des viols ! La violence dite aléatoire,
elle, provoque l’hystérie populaire. »
Certes, mais que faire de ces
déviants sexuels ? L’« aide chimique
au contrôle des pulsions », formule que
préfère le Dr Lamothe à celle de
« castration chimique » (car, selon lui, le
processus n’est pas irréversible)
apparaît comme une partie de la
solution. En effet, il fait remarquer :
« Nous sommes surtout devant une
extraordinaire incurie du dispositif mis en
place. Il faut augmenter le maillage
social, médical et judiciaire autour du
pervers. Ces malades ont aussi besoin
d’assistance. Bien souvent, ils nous
disent : "Protégez-moi de moi-même",. Pour
ce praticien, expert auprès des
tribunaux, il ne s’agit pas d’accepter ou
d’approuver le fonctionnement mental
de ce pervers, mais : « essayer de le
comprendre.... Je crois que la prise en
charge des pervers est l’affaire de tous.
Nous devons leur montrer qu’il est
possible de vivre en société dans une
logique de demande et d’échanges et non
pas d’emprise. », ni de domination ou
de violence . Autrement dit, vivre sans
se comporter comme un prédateur.
Pour un médecin : « ...
la logique d’élimination (défendue par
ceux qui réclament l’incarcération à vie
des criminels sexuels) n’est ni
techniquement ni éthiquement possible.
Nous ne pouvons pas (malheureusement)
nous prémunir du hasard. »
Comment, alors, peut-on
prévenir le passage à l’acte, la
récidive ?
A ce sujet, le Dr Jean-Marie le Guen,
député PS de Paris, pour qui la
« castration chimique » est « tout à fait
envisageable », il déplore que l’«on
attende que des gens deviennent des
criminels pour s’occuper d’eux alors
que dans d’autres pays, ils peuvent
prendre contact avec des systèmes de
soins très précocement et éviter de
passer dans la perversité. » Il cite à cet
égard la Hollande, « où il existe des
lieux, des numéros de téléphone, où
les gens, quand ils commencent à
s’apercevoir qu’ils ont des tentations
de nature perverse ont la possibilité
d’avoir une écoute. En France, ça
n’existe pas. »
En France il existe en revanche les
CRIAVS ( Centres Ressources pour
les Intervenants auprès des Auteurs de
Violences Sexuelles). Il y en a sept
dans notre pays. Ils soutiennent les
praticiens et les équipes de proximité.
J.C.