A Locarno, le leurre des terres promises
Deux films, présentés au Festival international de Locarno, en Suisse : un documentaire sur un centre de rétention et ses « prisonniers » condamnés au départ, un policier israélien opposant virils antiterroristes et jeunes activistes bourgeois. Dans les deux programmes, le mirage des terres promises masque des inégalités outrancières et déshumanisantes.
Si, à proximité de Genève, vous croisez une pancarte montrant le regard lubrique et la langue baveuse d’un vautour de bande dessinée, vous n’êtes pas sur le chemin d’un parc d’attractions consacré au Far West, mais bien à proximité de l’établissement de détention administrative de Frambois, l’un des vingt-huit que compte la Suisse. Le réalisateur Fernand Melgar y a planté sa caméra pour tourner le documentaire Vol spécial, présenté dans la compétition principale du Festival de Locarno [1], qui s’est tenu du 3 au 13 août.
Soyons juste, le lieu – avec sa cuisine commune, ses cellules individuelles et ses gardiens qui font plutôt figure d’éducateurs – pourrait faire pâlir de jalousie les prisonniers de n’importe quelle maison d’arrêt ordinaire. Pèsent certes les horaires de repas imposés et l’extinction des lumières, l’absence de la famille, la relative exiguïté de la cour extérieure, les niveaux successifs de grilles caractéristiques du dispositif de « mise à distance [2] » que constitue un centre d’enfermement. L’intérieur, que Melgar nous fait visiter, ne provoque malgré tout pas le même type d’écœurement et de malaise qu’on ressent par exemple à la vue d’Un prophète, de Jacques Audiard.
Qu’y a-t-il alors de si révoltant au cœur de cette prison hors normes ? ...................
« Pourquoi montrer autant de violence ? Pourquoi donner une telle idée d’Israël, ne pas montrer les bonnes personnes ? » Voilà l’étrange question posée par une spectatrice de la projection publique du premier long-métrage de Nadav Lapid [3] lors du Festival de Locarno. Si la salle a copieusement hué l’intervenante, avant de laisser le réalisateur lui répondre que, non, son travail ne se réduirait pas à montrer les bons côtés de son pays, il est vrai aussi que Hashoter se termine par un climax passablement traumatisant, quoique prévisible.
Un peu plus d’une heure et demie durant, le scénario suit deux groupes amenés à se retrouver pour un sanglant affrontement final. ..............