Obama, superstar européenne qui ne connaît pas l'Europe

Publié le par desirsdavenirparis5

Adulé sur le Vieux Continent, où il arrive mardi soir, le président américain a pourtant un rapport théorique et distancié à la culture européenne qui le distingue de nombre de ses prédécesseurs.

Nombre de présidents qui inspirent aujourd'hui Barack Obama ont eu une relation forte, presque fondatrice, avec l'Europe. Issu d'une grande famille irlandaise, John F. Kennedy était pétri de culture politique européenne, un continent où il avait vécu dans son enfance, avant d'étudier à la London School of Economics, puis d'écrire son mémoire de fin d'études sur la participation britannique aux accords de Munich. Bill Clinton avait étudié deux ans à l'université d'Oxford.
Barack Obama, lui, ne connaît pas l'Europe, ou si peu. Il arrive mardi soir à Londres, première étape d'une ambitieuse tournée destinée à convaincre ses alliés et partenaires internationaux de s'unir, derrière la bannière américaine, face aux crises du monde.
Dans son livre, Les Rêves de mon père, il raconte sa première incursion sur le continent, lors d'une étape sur la route de l'Afrique. Travailleur social dans les quartiers noirs défavorisés de Chicago, Barack s'apprête à partir pour le Kenya sur les traces de son père mort, étape décisive de sa quête d'identité. Il décide de passer trois semaines à sillonner l'Europe, de Paris aux rives de la Tamise, en passant par le mont Palatin et les splendeurs de Barcelone. Mais la magie n'opère pas chez ce jeune homme «au statut incertain», raconte-t-il, qui se perçoit alors comme un «Occidental qui n'est pas totalement chez lui en Occident, un Africain partant vers une terre remplie d'étrangers». «Ce n'est pas que l'Europe n'était pas belle. Tout était exactement comme je me l'étais imaginé. C'est juste que ce n'était pas moi. J'avais l'impression de me retrouver dans l'histoire d'amour de quelqu'un d'autre», écrit Barack Obama.
«Une vision plus large des priorités du monde»
Nombre d'analystes jugent que ce rapport distancié au Vieux Continent ne manquera pas d'influencer la teneur du dialogue entre les deux rives de l'Atlantique, lors du voyage qu'il entreprend mardi. «Il a grandi en Asie, a développé un intérêt évident pour l'Afrique. Cela le rend très différent des autres. Il n'a pas la même implication émotionnelle qu'un Kennedy ou qu'un Clinton», note Craig Kennedy, le président du German Marshall Fund, think-tank jouant un rôle majeur dans les relations transatlantiques à Washington. «Cela ne veut pas dire qu'il fera des gaffes. Il s'agit d'un homme très brillant qui apprend vite. Mais cela signifie que nous avons désormais affaire à un président plus global, ayant une vision plus large des priorités du monde. Les Européens vont devoir s'y habituer et le contenu des conversations devrait s'en trouver modifié», ajoute-t-il. Reginald Dale, expert au Center for Strategic and International Studies, souligne quant à lui, le paradoxe d'un homme qui est «une superstar» dans l'opinion européenne, mais sans «connaissance de l'Europe et sans attirance instinctive pour elle».
Dans un sondage réalisé juste après l'investiture, près de 92 % des Français, 90 % des Italiens et 82 % des Allemands plébiscitaient le rôle du président Obama sur la scène internationale, contre 68 % aux États-Unis. «L'Europe est plus amoureuse d'Obama qu'Obama ne l'est de l'Europe», insiste Dale, notant toutefois que les dirigeants européens attendent de lui qu'il prouve sa capacité à écouter ses partenaires. Taxé d'unilatéralisme, son prédécesseur avait beaucoup travaillé à réparer les séquelles du désaccord sur l'Irak, pendant son deuxième mandat.
Utiliser son capital de séduction
Barack Obama ne cache pas qu'il s'emploiera à utiliser son capital de séduction pour rallier les Européens www.lefigaro.fr/lefigaromagazine/2009/03/28/01006-20090328ARTFIG00156--peuvent-ils-s-entendr-e-.php  sur une approche plus vigoureuse de la relance de l'économie ou un engagement plus résolu en Afghanistan, deux sujets sur lesquels ses partenaires - français et allemand notamment - ont exprimé des réticences. Mais conscient de ces nuances et fidèle à la méthode multilatérale, le président a fait savoir que l'Amérique venait à la rencontre de l'Europe avec l'idée de «diriger et écouter», selon l'expression de son porte-parole Robert Gibbs.
L'Administration estime avoir déjà donné une idée concrète de sa méthode avec l'annonce de sa nouvelle stratégie en Afghanistan, où le président a annoncé un engagement résolu de son pays. Mais Barack Obama espère être suivi, au moins sur le terrain de la reconstruction civile et de la formation de la police et de l'armée par ses alliés. «Nous voulons diriger par l'exemple», a expliqué samedi Robert Gibbs. Obama a huit jours pour convaincre ses interlocuteurs qu'ils peuvent le suivre.

Laure Mandeville, correspondante à Washington
31/03/2009 |

Publié dans Amérique

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