Lettre de Pascal Tallon Responsable DA Paris, Outre-Mer et Français de l'étranger

Publié le par desirsdavenirparis5

Chers amis,

Vous savez peut-être que je suis originaire de Guadeloupe. Ma maman y vit ; j'y ai ma famille, des amis. Pour ceux qui connaissent, ma famille est originaire plutôt de la Basse-Terre (c'est-à-dire la partie volcanique et montagneuse de l'archipel) même si maintenant, j'ai une maison à Saint-François, tout à l'Est de la Grande-Terre.
Je ne vais pas vous proposer une grande analyse, mais juste deux ou trois idées en désordre qui me viennent à l'esprit.
La première, c'est que je voudrais contester l'impression éventuelle de racisme qui se dégagerait du mouvement actuel "La Guadeloupe est à nous" rappelle peut-être à certain "La France aux Français". Mais je dois vous dire que le rapprochement n'a pas lieu d'être. Rappelez-vous que Jean-Marie Le Pen a été empêché d'atterrir en descendre 1997, d'abord à l'aéroport du Lamentin en Martinique, puis, son avion s'étant posé au Raizet en Guadeloupe, des centaines de citoyens envahissant les pistes lui ont interdit de descendre. Aujourd'hui, certes, des slogans sont ambigus, mais les dirigeants politiques antillais les ont tous condamnés. D'ailleurs, ce ne sont pas les békés dans leur ensemble qui sont pris à parti ; mais les quelques familles milliardaires qui détiennent quasiment toute l'économie de l'archipel. Il y a beaucoup de békés pauvres en Guadeloupe, même très pauvres, et qui vivent dans des villages retirés à l'intérieur de la Grande Terre, dans les Grands fonds de Sainte-Anne ou de Saint-François par exemple.

La deuxième idée que je veux vous exposer est la suivante : le mouvement Guadeloupéen est à rapprocher non pas du ras-le-bol social qui a lieu actuellement en métropole, mais plutôt du vaste mouvement "vers la gauche" qui a lieu en ce moment en Amérique. Et oui, on l'oublie souvent, la Guadeloupe est ... une terre d'Amérique. Et les antillais sont proches géographiquement, mais aussi par la musique, par la langue, par le métissage, par la culture, de leurs voisins d'Amérique. Proches par le coeur en somme. Proche de Cuba, la grande soeur des Caraïbes, pour laquelle les antillais ont toujours une certaine affection. Proche du Venezuela, une des destinations favorites pour les vacances, dont le chef de l'Etat est également bien aimé aux Antilles. Mais proche, en somme, du Chili de Michelle Bachelet, du Nicaragua de Daniel Ortega, du Brésil de Lula, du Costa Rica d'Arias, de la Bolivie de Morales, de l'Uruguay de Vasquez, du Paraguay de Lugo, le Guatemala de Colom... Et je dirais comme un clin d'oeil, du Porto Rico d'Obama !!

Tous ces chefs d'Etat, auxquels il faut ajouter Correa Delgado en Equateur et Kirchner en Argentine, mènent des politiques de gauche. A des degrés divers bien entendu. Degrés divers dans la redistribution, notamment la redistribution des terres. Degrés divers dans la reconnaissance des minorités, en particulier les minorités amérindiennes et noires. Degrés divers dans l'opposition aux Etats-Unis (on peut supposer à ce sujet que l'arrivée d'Obama pourrait changer la donne). Degrés divers dans la nationalisation des richesses naturelles.
On me dit de rajouter : "degré divers dans le populisme" en pensant très fort à Morales, Christner et Chavez. Pour ma part, je ne crois pas que nous ayons des leçons à donner aux peuples d'Amérique latine dans ce domaine, ici, depuis l'Europe de Sarkozy et de Berlusconi.

Bref, tout ça pour dire qu'il y a comme un grand mouvement de libération des peuples d'Amérique ... auquel les Antilles participent.

C'est à ce vaste mouvement que s'apparente aussi le président de la Région, Victorin Lurel, un homme politique qui a accéléré sa carrière en s'opposant aux accords de Basse-Terre, élaborés en 1999 par Lionel Jospin, en complicité avec les indépendantistes et la droite (dans la même inspiration que les accord de Matignon pour la Corse), mais rejetés par la population, dont Lurel au premier rang, avait éveillé les consciences. Victorin Lurel est aussi un homme profondément imprégné de la culture d'Amérique Latine, notamment littéraire.

Enfin, je voudrais m'insurger contre une idée reçue très désagréable : "les Antilles sont sous perfusion de la métropole / les antillais sont des assistés". Certes, l'Etat central accorde une prime à ses fonctionnaires sur place. Certes, l'Europe accorde des subventions à la banane et à la canne a sucre. Mais l'Etat accorde des primes bien plus importantes à ses fonctionnaires des Grands corps : dit-on que ce sont des assistés ? L'Europe accorde plus encore de subventions aux grands céréaliers de la Beauce, dit-on que c'est l'assistanat ? Et même : en quoi cet argent qui vient de métropole aide-t-il l'antillais de la rue ? En gonflant le pouvoir d'achat des fonctionnaires, il fait monter les prix du logement et des biens de consommation courante. En enrichissant les grands exploitants agricoles, il ne fait que renforcer leur position économique. Le RMiste antillais n'a pas plus que le RMiste savoyard, vendéen ou parisien. Pourquoi l'un est "sous perfusion" et l'autre non ? Quel est le sous-entendu ?

Voilà chers amis, j'ai été plus long que je ne le voulais, mais ces quelques points me tiennent à coeur et je suis content de vous en avoir fait part.

Amitiés
Pascal

PS : La Guadeloupe n'est pas une Ile, comme on le lit à longueur de colonnes, mais un ARCHIPEL, elle est composée de plusieurs Iles : la Basse-Terre, la Grande-Terre, Marie-Galante, Les Saintes (elles-mêmes un petit archipel), la Désirade, Petite-Terre

Pour compléter:
Quelques chiffres :

L’ensemble des dépenses publiques nationales est de 5570 €/hab et le PIB 2007 est de 17.069€/hab pour les DOM. Celui-ci est de 30.140€/hab pour l’hexagone.

Pour la continuité territoriale, la dotation attribuée à la Corse, 260.000 habitants (soit 704 euros/hab), est conséquente, 183.187 millions d’euros pour 2007, à comparer aux 33,3 millions d’euros attribués à l’ensemble de l’Outre Mer qui compte 2.290.000 habitants (soit 14,54 euros/hab).

Sur 10.191.000 Km2 de Zone économique exclusive, l’Outre Mer apporte 97,28%, soit 9.926.900 Km2 (dont 47% pour la Polynésie française).



Publié dans DOM-TOM

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