Faux électeurs du Ve: le couple Tiberi devant le tribunal

Publié le par desirsdavenirparis5

Faux électeurs du Ve: le couple Tiberi devant le tribunal
AP | 30.01.2009 | 14:05

Un saint, une matrone et des plébéiens devant la justice. Jean Tiberi, son épouse Xavière et neuf personnes, élus ou fonctionnaires, comparaissent à partir de lundi devant le tribunal correctionnel de Paris pour des fraudes électorales présumées aux élections municipales de 1995 et législatives de 1997 dans le Ve arrondissement de Paris où M. Tiberi, maire de la capitale de 1995 à 2001, siège depuis plus de quarante ans.

"Mon mari est un saint", avait un jour déclaré Xavière Tiberi. Avant l'étape de la canonisation, prédite par sa femme, le maire du Ve arrondissement, 74 ans ce vendredi, doit emprunter ce chemin de croix judiciaire. Aux voeux du garde des Sceaux, M. Tiberi, ancien magistrat et député UMP du Ve arrondissement depuis juin 1968, s'est dit "serein" mais a refusé d'évoquer les faits reprochés, préférant réserver ses explications au tribunal.

Il est mis en examen depuis mars 2005 pour "complicité de manoeuvre frauduleuse de nature à fausser la sincérité du scrutin". Son épouse, 72 ans, "dirigeant officieusement la mairie du Ve", selon les juges d'instruction, est quant à elle poursuivie pour "manoeuvre frauduleuse de nature à fausser la sincérité du scrutin".

L'affaire a débuté en 1997 avec une enquête de l'hebdomadaire satirique "Le Canard enchaîné" assurant que des électeurs étaient inscrits illégalement sur les listes électorales du Ve arrondissement en échange qui d'une place en crèche, qui d'un logement HLM. Une information judiciaire sera ouverte en juin 1997.

Me Thierry Herzog, l'un des avocats de Jean Tiberi, assure à l'Associated Press qu'il n'y a rien contre son client. "Il n'a commis aucun fait. On a voulu se servir d'une affaire judiciaire comme d'un levier politique", martèle-t-il.

Si M. Tiberi n'est pas en première ligne dans ce système d'inscriptions frauduleuses, "c'est à l'évidence pour ne pas apparaître impliqué d'emblée dans la moindre irrégularité", constate l'acte d'accusation qui le considère cependant comme le véritable "instigateur" de cette fraude confiée à deux organisatrices: son épouse et Anne-Marie Affret, 70 ans, élue du Ve.

Devant les juges, le couple Tiberi a nié en bloc, Xavière qualifiant de "cabale" les accusations portées contre eux notamment par un ancien responsable du bureau des élections, Olivier Favre, et un ex-secrétaire général de la mairie du Ve, Raymond Nentien. A la veille du procès, l'avocat de Mme Affret, Me Jean Chevais, se veut mystérieux et promet des "révélations" lors des confrontations entre prévenus prévues par le tribunal.

"Rien n'aurait pu se faire sans l'aval de Jean Tiberi", estime Me Claude Pollet-Bailleux, avocate de la candidate socialiste Lyne Cohen-Solal, avant de souligner l'existence de nombreux documents montrant l'implication du maire du Ve dans cette fraude. Sur les 11.921 électeurs radiés des listes électorales du Ve arrondissement en 1997 et 1998, 5.609 étaient inconnus de l'administration fiscale. Quelque 200 faux électeurs sont retenus dans la prévention, les enquêteurs ayant procédé par échantillonnage.

Les juges en charge de cette enquête, bouclée en avril 2005, ont décidé en février 2008 de renvoyer les prévenus devant le tribunal sans attendre le réquisitoire du procureur de la République de Paris, Jean-Claude Marin. Ce dernier avait fait savoir que ce document était prêt mais, par "tradition républicaine", il ne le verserait au dossier qu'après les élections municipales pour éviter que la justice ne s'immisce dans le débat électoral. Jean Tiberi a été réélu aux municipales de mars 2008 avec 225 voix d'avance.

Le procès doit durer du 2 février au 4 mars. AP

Historique
Voici les principales étapes de l'affaire des faux électeurs du Ve arrondissement pour laquelle le maire de l'arrondissement Jean Tiberi et son épouse Xavière comparaissent à partir de lundi 2 Février 2009 en correctionnelle:      
        1997

        - 23 avr: Le Canard Enchaîné affirme qu'entre "3.000 et 4.000 électeurs ont été inscrits illégalement par le RPR dans le Ve arrondissement de Paris".

        - 9 mai: deux adversaires de Tiberi aux législatives, l'écologiste Yves Frémion-Danet et la socialiste Lyne Cohen-Solal, portent plainte.

        - 1er juin: Tiberi est réélu député de la 2e circonscription de Paris (Ve et VIe arrondissements) avec 2.725 voix d'avance sur Mme Cohen-Solal. Pour la première fois depuis 1973, il a été contraint à un second tour.       

        1998

        - 20 fév: saisi de huit recours, le Conseil constitutionnel confirme l'élection de Tiberi. Il relève des "irrégularités graves et répétées" dans le scrutin, mais qui n'ont pu "inverser le résultat du scrutin".       

        2000

        - 23 mars: un rapport de gendarmerie révèle que sur les 7.000 électeurs radiés depuis 1997, 3.300 ont voté aux législatives de 1997.

        - 16 mai: une douzaine d'électeurs affirment que leur inscription sur les listes du Ve arrondissement a favorisé une embauche par la mairie de Paris.

        - 4 juil: mise en examen de Xavière Tiberi et d'Anne-Marie Affret, première adjointe de Tiberi, pour "manoeuvre frauduleuse de nature à fausser la sincérité du scrutin".      

        2001

        - 11 juin: la cour d'appel de Paris annule la mise en examen de Mme Tiberi.

        - 30 oct: la Cour de cassation casse l'arrêt du 11 juin et valide la procédure. Le dossier est renvoyé aux juges.       

        2002

        - nov: un rapport des gendarmes souligne le rôle du "couple Tiberi" et affirme que l'une des conditions pour obtenir un logement social était l'inscription frauduleuse sur les listes du Ve.       

        2004

        - 3 juin: Tiberi, confronté à l'ancien secrétaire général de la mairie du Ve Raymond Nentien et à Olivier Favre, ancien chef du bureau des élections de l'arrondissement, déclare qu'ils mentent. Ils l'ont accusé d'avoir refusé de radier des faux électeurs, d'avoir procédé à un "apurement" des listes là où l'électorat pouvait lui être défavorable, ou d'avoir fait "disparaître" des dossiers de faux électeurs.

        2005

        - 21 mars: mise en examen de Tiberi pour "manoeuvres frauduleuses de nature à fausser la nature du scrutin".

        - 25 avr: fin de l'instruction.

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